Frédérique Martinez Pacreu, l'interview
Pouvez-vous nous parler de votre parcours (études, profession).
« J’ai un bac scientifique SVT. J’ai fait une maîtrise d’histoire pour ensuite passer le concours d’enseignant, le CRPE (concours de recrutement de professeur des écoles). Puis j’ai passé le diplôme de formateur, pour être formatrice pour les premiers degrés.»
Comment définiriez-vous le métier de professeur des écoles ?
« Être professeur des écoles c’est avoir un poste auprès des élèves : soit de maternelle, soit d’élémentaire c’est à dire de l’âge de 3 ans jusqu’à l’âge de 11 ans. C’est un métier qui demande d’être à l’écoute, un métier qui demande d’être ouvert et qui accompagne les élèves sur le chemin de la réussite. »
Votre métier est-il apparu comme une vocation ou votre choix de carrière s’est-il déterminé plus tard ?
« Ce n’est pas du tout une vocation... A la base mon père était instituteur donc j’ai toujours vécu dans une école et je ne voulais pas être enseignante comme lui. Après avoir accompagnée une classe, dans le second degrés, lors d’un voyage en Italie, je me suis dit pourquoi pas ? Finalement je me rends compte que j’étais dans le déni. C’était effectivement une vocation mais comme mon père était instituteur, je ne voulais pas suivre son chemin...Un peu une rébellion on va dire ! »
Qu’est ce que vous préférez dans votre métier et au contraire qu’est ce que vous aimez le moins ?
« Ce que j’aime le plus dans mon métier de professeur des écoles, c’est quand je vois dans les yeux d’un élève qu’il a compris et que tout ce qu’on a fait en classe a servi à quelque chose.
Je dirais qu’il n’y a pas d’inconvénients. C’est un métier épuisant moralement parce qu’on doit être à 100 % toute la journée pour les élèves. Ça nous demande beaucoup de préparation en dehors de l’école. Parfois je sacrifie un peu ma vie familiale et d’ailleurs mes enfants me le reprochent... »
Présentez-nous votre situation d’expatriée.
« Je travaille au lycée français de Mexico (LFM). Après avoir obtenu le diplôme de formateur, j’ai postulé sur un poste d’enseignant maître-formateur en établissement au sein de l’AEFE (agence de l’enseignement français à l’étranger). J’ai postulé il y a 3 ans pendant la pandémie. Il y avait tout un dossier à constituer avec mon parcours, des lettres de recommandations, les avis des inspecteurs. Une fois passée à l’entretien devant un jury de 7 personnes, j’ai sélectionné différents postes et j’ai eu le Mexique ! Je suis là pour une durée de 5 ans. Au LFM, je travaille 2 jours par semaine en classe avec mes élèves et les 3 autres jours je travaille dans mon bureau ou en déplacement en tant que formatrice.»
Que vous apporte le travail à l’étranger? (sur le plan professionnel et personnel)
« Sur le plan professionnel c’est très enrichissant ! D’un point de vue formateur on va être confronté à des situations qui sont totalement différentes de ce que je pouvais faire en France. Le rôle de maître-formateur à l’étranger c’est plus un rôle de conseiller pédagogique. On va avoir plus de responsabilités ; on va encadrer des stages dans d’autres pays ; on va rencontrer une multitude de personnes totalement différentes et d’expériences totalement différentes.
Personnellement...Depuis qu’on est ici on rencontre plein de monde, on voyage, on découvre d’autres cultures. Je pense que ça change le regard sur la France, sur le métier et puis ça change le regard des enfants. C’est une certaine ouverture au monde et une ouverture à d’autres cultures. En rentrant en France on a plus la même manière de penser. C'est-à-dire que les choses qui nous paraissaient compliquées, on ne les voient plus de la même manière.»
Quand vous êtes arrivée dans ce nouveau pays, vous êtes-vous adaptée facilement ? Comment avez-vous confronté la barrière de la langue, l’éloignement ?
«Je parlais déjà espagnol donc la barrière de la langue n’était pas un problème. Le plus dur c’est que je suis arrivée en pleine pandémie du coup j’ai enseigné en distanciel toute l’année. C’était très difficile parce qu'on n'a pas rencontré de personnes tout de suite, à part d’autres expatriés français. Pour se faire des amis mexicains, ça a été plus difficile. Un petit regret à un moment donné parce que les enfants étaient en distanciel et je me suis dit : est ce qu’on aurait pas mieux fait de rester en France pour leur permettre de continuer l’école en présentiel ? Mais les mexicains sont tellement accueillants, tout est tellement simplifié ici pour que l’on se sente bien, que ça n’a pas été très compliqué. Le plus dur c’était vraiment la pandémie.
L’éloignement, on ne le vit plus de la même façon avec tous les réseaux, whatsapp...on parvient à garder le contact...Ce qui est triste c’est quand on manque des grands événements, des mariages, des enterrements et là ça devient plus compliqué parce qu’on ne peut pas y assister.»
Quels sont les avantages à travailler comme expatriée (au Mexique)? En comparaison avec la même profession en France.
« Le salaire déjà ! Dans mon métier j’ai plus de libertés, ça me permet de pouvoir proposer plus de choses aux élèves. Même si on est soumis au programme de l’éducation nationale, on a moins de contraintes et plus de libertés pédagogiques et ça c’est super! »
Quand vous avez commencé à travailler au Mexique, est ce qu’il y a certaines choses auxquelles vous n’étiez pas préparé, qui vous sont surprise ?
« La charge de travail...Je pensais pas qu’il fallait que je travaille autant ; qu’il y avait autant de personnes à gérer, autant de formations à proposer.
Le choc culturel avec les familles mexicaines a aussi été un petit peu difficile. J’ai dû en parler avec les directeurs, les psychologues sur place...Les familles mexicaines ont une manière d’être avec les enfants qui est totalement différente avec la France. On ne peut pas agir et dire les mêmes choses, il faut mettre les formes. On dit : être ‘‘cariñoso’’ (c’est à dire y allait avec des pincettes, avec tact). Aussi le fait que je travaille dans une école privée, même si je reste professeur de l’éducation nationale. Les parents s’octroient un certain droit à te dire des choses parce qu’ils payent tout simplement. »
Votre salaire a-t-il évolué ?
« Oui oui oui…Pourtant j’ai un des plus petits salaires en tant que formateur. Mon salaire est basé sur mon échelon, par rapport au coût de la vie. J’ai une prime pour la scolarité des enfants et mon salaire est réévaluée tous les 3 mois en fonction du cours du ‘‘peso’’ (monnaie mexicaine). Mais oui, mon salaire a bien évolué.»
Auriez-vous des projets à l’avenir ? (objectifs professionnel, autre destination, retour en France, emménagement définitif)
« Je ne resterai pas au Mexique. Non pas parce que je n’aime pas le Mexique, bien au contraire j’adore le Mexique mais d’un point de vue professionnel je ne peux pas rester plus de 5 ans dans le même établissement. Je ne me vois pas prendre un simple poste d'enseignante au sein du LFM (lycée français de Mexico) après avoir été formatrice. Il y a d’autres établissements au Mexique comme à Guadalajara mais je n’ai pas le droit de re-postuler dans le même pays. Il faut au moins que je parte un an.
Dans l’idéal j’aimerais bien avoir le même style de poste, ou alors un poste de conseillère pédagogique, dans un autre pays. Si je rentre en France, je ne serais pas malheureuse non plus parce que j’aime aussi notre vie en France. Mais je sais que si je rentre en France, on aura pas la même mentalité, ça sera différent! »
Qu’est-ce que vous pourriez conseiller à un jeune qui hésite à partir à l’étranger ?
« Il ne faut pas hésiter. C’est une expérience exceptionnelle ! Il faut partir dans des conditions qui te permettent de ne pas galérer. Tu veux partir en échange universitaire, fait-le ! Fait-le à 100%! Il ne faut pas avoir peur, se mettre des barrières.
Après si tu veux partir seul, avec ton sac-à-dos, sans sous, sans projet. Dans certains pays tu ne peux pas le faire. Au Mexique, il ne faut pas le faire parce que tu peux te retrouver dans des situations très problématiques et des situations dangereuses.
Mais il ne faut pas hésiter à partir, c’est une expérience tellement enrichissante. Le seul problème c’est qu’une fois que t’es parti, après t’as du mal à revenir.»
Mexico, Chichen Itza