LA PEINE DE MORT
Le droit à la vie
En hommage à Robert Badinter
- Prologue -
‘’Le droit à la vie est le droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants’’ – Article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
« La France est bien le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme, et la moindre des choses est évidemment d’être fidèle à cette inspiration. On ne peut se réclamer des Droits de l’Homme et avoir la privation de la vie dans la législation » R.B
Pour toute personne dotée de raison, ce débat qui fait tant polémique aujourd’hui devrait prendre fin. On y brave, par ailleurs, plusieurs des droits fondamentaux et indivisibles, tel que la dignité et le respect, en rétablissant cette peine de mort.
Aujourd’hui, plus de deux tiers des pays du monde en ont pris conscience, caractérisée par de nombreuses décisions politiques allant dans le sens de l’abolition de la peine capitale.
A midi vingt au Sénat de Paris, le trente septembre 1981, suite à plus de deux cents ans de combats, c’est l’abolition de la peine capitale. Effectuée sous la présidence de François Mitterrand, avec Robert Badinter garde des Sceaux, cet évènement devient un jour mémorable pour tous citoyens Français. Pourtant, voilà que refont surface 55% de Français favorables à cette folie, que dis-je… à ce crime !
« J’ai peine, je dois le dire, à évoquer ce qu’était (et ce qu’est aujourd’hui) l’attachement séculaire des Français pour la peine de mort » R.B
La peine de mort. C’est une grave et terrible violation des Droits Fondamentaux de l’Homme.
La Déclaration Universelle n’est-elle pas un mot assez fort pour vous ? Cette Déclaration écrite et instaurée dans l’esprit des Lumières, n’a-t-elle aucun sens, aucune valeur, aucun intérêt à vos yeux ?
« La vie humaine est sacrée dans une civilisation fondée sur les Droits de l’Homme » R.B
On parlera alors de justice, d’égalité, de dissuasion, de méritant alors qu’il n’est question que de vengeance, autrement dit d’une vendetta, de fierté, d’arrogance, d’homicide volontaire.
« La peine de mort est vouée à disparaître de ce monde parce qu’elle est une honte pour l’humanité » R.B
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Par définition, la peine de mort est une sanction pénale ordonnant la suppression de la vie d’un condamné. Elle est infligée à une personne, reconnue coupable d’un crime passible de cette sanction fatale. A l’issue d’un procès organisé par une juridiction légale, et appartenant à un État dont la législation prévoit ce châtiment. Globalement, c’est tout simplement un assassinat étatique, un meurtre commis par l’Etat avec préméditation de sang froid, et infligé au nom d’un peuple tout entier. C’est une agression physique et mentale poussée à l’extrême.
La peine capitale n’est en réalité qu’une peine brutale et simpliste qui ne fournit qu’une réponse superficielle à la souffrance de la famille de la victime. Et qui, en plus, étend cette souffrance aux proches du condamné en question.
« Encore ne devons-nous jamais oublier les malheurs et les douleurs des victimes. Leurs droits et leurs conditions doivent être notre constante préoccupation » R.B
C’est l’expression tragique d’une culture marquée par la violence et la haine, et certainement pas un remède à ce fléau, bien au contraire.
En effet, pour en revenir au fait, l’élimination d’un meurtrier n’a jamais réparé son crime, ni ressuscité sa victime. Tuer l’agresseur n’était pas, n’est pas, et ne sera jamais un moyen de défendre l’agressé.
Prenons ici l’exemple d’un meurtrier quelconque ‘’ il a tué trois enfants ce sauvage, qu’on le pende sur la grande place, il le mérite bien ce chien ! ’’ Sommes-nous encore restés dans cette vielle idéologie reposant sur un insensé dicton. Cette loi du Talion ‘’ œil pour œil, dent pour dent ’’ datant de l’Ancien Testament en 1730 avant Jésus Christ ? N’avons-nous donc pas évolué depuis ce jour ? Avons-nous gardé, malgré tout, cette mentalité barbare après des siècles d’histoire ? Sommes-nous toujours aussi simples d’esprit, n’avons-nous décidément jamais appris à raisonner ?
On nous accoutume pourtant, dès le plus jeune âge, à ne pas répondre à la violence par la violence, et voilà encore des citoyens souhaitant tuer les tueurs. La loi nous y défend tous autant que nous sommes, et nous devrions nous servir de cette interdiction comme sanction pour les meurtriers.
Un peu de bon sens... Veuillez au moins admettre qu’il n’est ici, uniquement question de raison dans cette polémique. Raisonner, peut-être, semble paraître trop complexe pour les partisans de la peine de mort. Raisonner, c’est littéralement faire usage de sa raison pour former des idées ou des jugements. C’est d’ailleurs de là qu’émerge, dans un sens, l’expression ‘’ réfléchir avant d’agir ’’. Tuer un individu parce qu’il a lui-même tué, je ne vois aucun raisonnement en cela, mais seulement un réflexe pulsionnel rapide, simpliste et irréfléchi.
Ils vous diront qu’il faut alors établir un système juridique reposant sur un fonctionnement de cas par cas: les pédophiles oui, les voleurs non, les terroristes oui, toi non, toi oui, toi non…
La question devrait donc être ‘’ quel crime mérite la peine de mort ? ’’ La réponse est on ne peut plus claire: aucun. Et puis qui sommes-nous pour décider de la vie ou de la mort d’un individu ? Qu’est-ce qui justifie de faire subir ce sort à un autre être humain? Ne devrait-ce pas être reconnu comme un acte inhumain, une action cruelle ? La vérité est que seul Dieu, si vous êtes croyant, a le pouvoir de juger les hommes. Vous n’êtes sûrement pas sans savoir que lui-même prononça d’ailleurs, avant sa crucifixion « pardonnez-leur Seigneur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus Christ nous a enseigné le pardon des péchés à travers la parole des apôtres dans la Bible. Aussi dès l'Ancien Testament, l’un des Dix Commandements de Moise est le suivant « tu ne tueras point ». C’est à en penser que chaque chrétien favorable à cette abomination, trahit sa propre religion.
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Est-il vraiment nécessaire ne vous rappeler les conséquences effroyables de la peine de mort ? Au moins deux mille trois cent sept condamnations à mort ont été recensé dans cinquante-six pays en 2019, ainsi que deux mille cinq cent trente-et-un dans cinquante-quatre pays en 2018 (on constate alors, certes, une légère baisse). Dont six cent cinquante-sept exécutions à travers vingt pays différents dans le monde en 2019, par décapitation, électrocution, pendaison, injection létale, armes à feux... Vous l’aurez sans doute compris, étonnamment, les moyens ne manquent pas, surtout lorsqu’il s’agit de supprimer le droit à la vie d’autrui.
Et ce, sans prendre en considération les milliers d’autres exécutions réalisées en Chine, dont il s’avère, suspicieusement, impossible d’obtenir des chiffres précis sur l’application de la peine capitale dans le pays. Ces données étant classées secret d’État.
À la connaissance d’Amnesty International, au moins vingt-six mille six cent quatre personnes se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de l’année 2019 dans le monde.
Mais c’est également sans compter de la complexité de la chose, car il faut comprendre que la restauration de la peine de mort entraînera la création d’un tout nouveau système juridique, encore plus alambiqué que celui que nous connaissons déjà. Il me semble aussi tout à fait inutile de préciser le fait que l’interdiction de la peine de mort résulte en France, qu’on le veuille, ou non, tant de la loi que de la Constitution et des textes internationaux.
Car dans ces conditions, aucune loi votée par le Parlement ne pourrait rétablir la peine capitale. A moins de modifier notre Constitution, de dénoncer ces textes ratifiés par la France, ainsi que de sortir de l’Union Européenne, on ne peut rétablir cette atroce sanction pénale.
En effet, du continent européen, ravagé pendant des siècles par la criminalité sanglante, la peine de mort a totalement disparu. A l’exception de la Biélorussie, dernier Etat stalinien.
L’abolition est devenue l’un des piliers de la civilisation européenne et de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui a solennellement condamné la peine capitale comme une forme de sanction inacceptable.
« Aujourd’hui, il n’y aurait pas, en Europe, un magistrat qui se prononcerait pour la peine de mort dans des juridictions internationales, il refuserait d’y siéger tout simplement » R.B
Il va également sans dire, des nombreuses, et malgré tout, inévitables erreurs judiciaires qui altèrent constamment l’égalité, ainsi que de la corruption qui pervertit quotidiennement la neutralité judiciaire.
Dans le monde, on ne peut d’ailleurs pas perdre de vue que, le plus souvent, la sentence de la peine de mort ne se décide pas uniquement en fonction de la nature d’un crime. L’origine sociale ou ethnique, les moyens financiers ou l’opinion politique de l’accusé en question font dangereusement pencher la balance.
« Moi, je n’ai jamais vu un fils ou une fille de banquier américain dans les cellules des condamnés à mort (…). Le racisme, les inégalités culturelles et les inégalités de richesses entre les pays sont derrières le masque de la justice » R.B
Et l’un des principaux problèmes de cette peine, n’est autre que l’irrévocabilité d’une sanction violant le droit à la vie.
« En vérité, la peine de mort ne défend pas la société des femmes et des hommes libres, elle la déshonore » R.B
Une erreur judiciaire: un innocent perd la vie; une corruption banale: un innocent perd la vie. C’est une peine bien trop extrême, bien trop définitive, bien trop brutale.
« Nous refusons que s’accroisse la masse des milliers de condamnés à mort dans le monde, parmi lesquels se trouvent des innocents qui peuplent les quartiers de la mort pendant des années, voire des décennies » R.B
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Tandis que d’autres prétendront agir dans le but de montrer l’exemple, d’éradiquer définitivement le problème pour empêcher toute récidive possible. Et c’est là où est supposée intervenir cette soi-disant dissuasion. Or, dans le mot dictature, apparaît la notion du maintien du pouvoir non seulement de manière autoritaire, mais aussi par la peur. La liaison est vite faite.
Sans compter qu’une politique judiciaire ne peut tabler sur le seul fait que les morts ne peuvent plus commettre de crimes ! De ce fait, cela repose donc, parallèlement, sur l’hypothèse que l’État peut déterminer, lors de la sentence, quels prisonniers vont récidiver ou non. Tandis que nous ne sommes pas sans savoir que l’humain n’est pas une mécanique prévisible. Exécuter le criminel, c’est lui retirer toute chance, toute possibilité, toute occasion de se racheter, se réparer, et par la suite, de se faire pardonner. Refuser sa rédemption. En un mot, c’est une injustice cruelle.
Ce système juridique aurait ainsi, pour objectif premier de ‘’montrer l’exemple’’ en enlevant la vie à un individu. C’est, sans contestation, une gouvernance par la terreur, à la Robespierre.
On ne peut ni penser, et ni croire que la perspective de la mort est dissuasive chez le criminel. La peine capitale ne réglera, au grand jamais, le problème de criminalité ou d’insécurité dans une société. En rappelant, par ailleurs, que la meilleure des dissuasions reste aujourd’hui la prévention.
En prenant l’exemple du terrorisme, si l’on réfléchit deux minutes, il n’est sans compter que la peine de mort, ne peut, en aucun cas, avoir un effet dissuasif sur un individu ayant décidé de mourir pour servir sa cause qui lui semble juste et sacrée. Non seulement, les terroristes sont, et resteront toujours insensibles à cette menace, mais c’est sans oublier que les motivations de ceux-ci sont bien plus fortes que la peur de perdre ce précieux droit à la vie. Leurs exécutions en feraient plutôt un martyr, un héros aux yeux de ses partisans, qui galvaniserait les troupes au lieu de les intimider.
« Après chaque exécution, un commando de fanatiques se lèverait pour le venger en commettant de nouveaux attentats » R.B
D’autant plus qu’il a maintes fois été prouvé que la peine de mort n’est aucunement efficace en tant que moyen de dissuasion contre la criminalité. Il n’y a qu’à examiner la situation à Trinité-et-Tobago, située au cœur de la mer des Caraïbes, qui subit encore aujourd’hui, une augmentation perpétuelle du taux d’homicides au fil des ans, malgré l’exercice de la peine capitale. Pour finalement obtenir un classement alarmant, d’un des pays où le taux de criminalité est l’un des plus élevés au monde.
La comparaison est encore plus flagrante lorsqu’on observe ces exemples internationaux, tels que le Canada, l’Europe de l’Est ou même les États-Unis qui connaissent tous, sans exception, une baisse spectaculaire de ce même taux d’homicides, suite à l’abolition de la peine de mort au sein de leurs territoires.
« Toutes les statistiques concordent, qu’il y ait, ou qu’il n’y ait pas la peine mort, la courbe du crime sanglant suit son chemin » R.B
Je cite, une nouvelle fois, Robert Badinter lors de son discours à l’Assemblée Nationale du 17 septembre 1981, qui représente parfaitement cette dissuasion tout-à-fait erronée, qu’est censée apporter la peine de mort comme résultat bénéfique: - Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, eh bien, vous n’auriez pas, à la minute où nous sommes, ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n’hésitent pas devant la mort. D’autres, emportés, n’hésitent pas non plus. Seul, pour la peine de mort on invente l’idée que la peur de la mort retient l’homme, dans ses passions extrêmes. Ce n’est pas exact -
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Comme si cela ne suffisait pas, l’un des autres arguments de ces 55% de Français, qui est d’ailleurs aussi, l’un des plus abominables et ridicules à la fois. Celui-ci consiste véritablement, à prétendre économiser des fonds monétaires car la mise à mort coûterait moins cher à la société que la prison à vie. On ne peut, premièrement, cacher l’absurdité de cette rationalisation, qui, grossièrement abrégée, se résume néanmoins à ‘’ tuer pour réaliser un bénéfice monétaire ’’. Détrompez-vous ! Car certaines études démontrent précisément l’inverse dans divers cas de figure tel que celui des États-Unis, où les nombreux procès impliquant une peine de mort sont beaucoup plus coûteux d’un point de vue financier. Il est vrai qu’ils nécessitent souvent plus d’avocats, plus d’experts, plus de recours.
Il n’y a qu’à observer de plus près l’exemple vécu en 2009: l’État du Nouveau-Mexique, étant alors en pleine situation de crise économique, a pris la décision d’abolir la peine de mort dû à ses difficultés financières, devenant ici, l’une des principales contraintes de cette peine.
C’est à en croire qu’aucun des arguments venant des partisans de la peine de mort ne tiennent la route. Même les plus logiques qui paraissent, néanmoins évidents, restent désespérément d’une absurdité phénoménale. Sans cesse démentis par les études qui penchent les yeux dessus, et qui y parviennent généralement sans encombre tant cette cause est intensément stupide – que le lecteur ne soit pas choqué à cet instant, et qu’il sache que je pèse mes mots –
En conclusion, la peine de mort n’est rien d’autre que « la libération de tous les préjugés et de tous les poisons d’une société » R.B
Non. La peine de mort n’avait pas, n’a pas, et n’aura jamais sa place au XXIe siècle. Ce n’est rien d’autre qu’une peine cruelle, inhumaine et dégradante pour l’homme, et qui n’est d’aucune utilité.
« Tant que, dans le monde, on pendra, on gazera, on décapitera, on lapidera, on fusillera, toutes celles et ceux qui considèrent le droit à la vie comme un absolu moral doivent poursuivre leur combat » R.B
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Je ne saurais vous convaincre davantage à propos de ce sujet. Je pense, et j’espère de tout cœur que le lecteur sera du même avis sur le fait qu’il n’y a tout simplement rien à ajouter. En vérité, pour être le plus honnête et le plus franc possible avec vous, j’estime que tout est dit. En m’adressant à tous les individus pour la réinstauration de ce crime contre l’humanité: Si, encore à présent, vous n’avez pas changé d’avis sur cette cause ou du moins réfléchi, j’admets alors que je ne pourrai plus rien faire de plus pour vous. Tâchez de prendre du recul sur la question, ne soyez pas si simpliste, essayez au moins de prendre le temps d’avoir une réelle réflexion sur ce sujet, aujourd’hui crucial pour l’avenir de notre pays.
Heureusement, même lente, la marche vers l’abolition de la peine de mort est incontestable. Ce ne sera, en vérité, jamais assez rapide, étant donné qu’il s’agit ici de vie ou de mort, de justice ou de barbarie, d’égalité ou de cruauté.
‘’Ni dans le cœur des individus, ni dans les mœurs de la société, il n’y aura de paix durable tant que la mort ne sera pas mise hors la loi’’ Albert Camus.
Que ce soit en France, ou dans les autres pays du monde, ce combat ne peut pas et ne doit pas être mené uniquement au niveau des gouvernements ou des instances internationales. C’est un combat qui concerne chaque être humain. Un combat pour l’égalité. Un combat pour la justice. Un combat pour la vie.
« Quarante années se sont écoulées depuis le vote de l’abolition en France. La marche vers l’abolition universelle, n’a, depuis lors, cessé de progresser (…) ainsi l’humanité va de l’avant (…) il faut continuer de toujours rappeler les mêmes principes, dénoncer les mêmes injustices » Disait Robert Badinter il y a peu.
« Les Français finiront par se rendre compte que l’on peut vivre sans guillotine (…) la tâche d’Amnesty qu’est la marche de l’abolition universelle se poursuivra, et ce sera acquis. J’en suis sûr. Je ne le verrai pas. Mais ce sera acquis »
Source principale : Amnesty International